On se plait vraiment à Nong Khiaw. On se prend même à y rêvasser d’une vie d’expatriés le long de la Nam Ou. On doit pourtant poursuivre notre route, car le temps avance. Nous envisageons de visiter prochainement la ville de Vang Vieng. Le système routier Laotien nous oblige par contre à repasser par Luang Prabang d’abord. Nous voyons là une belle occasion de payer une petite visite à notre cher ami Monsieur Tom.
Le propriétaire de la compagnie de Trek de Nong Khiaw nous offre de nous déposer à Luang Prabang pour une fraction du prix de l’autobus. Nous acceptons volontier et amenons Julie et Alex avec nous. Nous demandons l’arrêt un peu avant Luang Prabang, à Phanluang, le village de Monsieur Tom. Nous refaisons le même trajet que la fois où nous l’avions rencontré dans l’espoir de retomber sur lui. On se rend à sa maison pour les bateaux, mais il n’y est pas. Ensuite, nous nous rendons à sa maison pour les animaux. Pas là non plus. En route vers sa maison familiale, sa femme, qui jasait chez une amie, nous voit passer dans la rue et nous reconnaît. Elle nous informe que M. Tom est au travail, mais nous invite tout de même à la maison. Elle lui donne un coup de fil et passe le combiné à Alex qui tente tant bien que mal d’avoir une conversation logique avec lui. Entre la ligne qui griche et son français rouillé, Alex comprend que M. Tom sera là dans une heure.
S’en suit d’un moment un peu inconfortable où nous sommes tous assis en silence dans la maison. La femme de M. Tom ne parle ni le français ni l’anglais rendant les communications avec elle particulièrement difficiles. On décide donc d’aller casser la croûte dans un resto pas trop loin, histoire de mettre fin au malaise ambiant.
Quand nous revenons un peu plus d’une heure plus tard – On s’est laissé du jeu – nous voyons un M. Tom tout souriant de nous revoir si rapidement. On parle un peu avec notre hôte et il nous invite à souper et à passer la nuit dans sa fermette. Pour être honnête, c’est le scénario qu’on espérait. Nous lui proposons d’aller au marché acheter de quoi se concocter une soirée royale.
On marche pendant une vingtaine de minutes pour aller au marché. Croisant au passage des villageois qui y vont tous d’une petite remarque à l’endroit de M. Tom. On devine qu’ils le taquinent de promener ses quatres touristes.
En route vers le marché, les routes des villages sont parfois artisanales
Au marché, Tom nous emmène devant une échoppe où des poissons nagent dans des bassins. Il y a des bacs d’anguilles, de grenouilles et autres animaux du règne marin. Nous choisissons deux gros poissons qui reçoivent illico un grand coup de maillet sur la tête. En moins de deux, on nous remet les quatre kilos de poisson écaillés, lavés et découpés dans un sac de plastique. On ne trouverait plus frais. La face de M. Tom vaut mille piastres. Il arbore un grand sourire fier alors qu’il taquine à son tour les villageois qui regardent notre butin avec jalousie.
Mékong fish… rien de plus précis
Sur le chemin du retour, nous faisons un arrêt chez un ami qui produit de la bière Kamu de façon artisanale. Dans un gros vase de terre cuite rempli à ras bord de malt et autres céreales fermentés, on verse de l’eau. Celle-ci s’imprègne immédiatement du goût et de l’alcool du mélange. Pour boire l’élixir, on plante simplement des pailles dans l’embouchure du vase. La magie c’est qu’une fois la bière terminée, on y rajoute de l’eau et c’est reparti. Un seul vase peut durer plusieurs jours. En fait il dure jusqu’à ce que l’eau ne goûte plus rien. L’idée (et le goût aussi) nous charme et on en achète un vase avant de rentrer chez M. Tom pour préparer le festin.
Tout le monde met la main à la pâte. Les gars tranchent finement les filets de poissons et les filles coupent et broient les légumes. Ce soir M. Tom nous prépare sa spécialité, un laap de poisson. C’est un genre de hachis typique du Laos. Malheureusement, la famille n’a pas souvent l’occasion d’en manger, car le poisson frais est trop dispendieux. Nous sommes d’autant plus heureux de leur offrir ce petit plaisir.
On cuisine dehors, directement sur le feu
Au moment de passer à table, nous recevons en entrée les restants de poissons qui ont été bouillis. On picosse entre les OVNI (os visibles non-identifiés) à la recherche d’un peu de chair que l’on déguste avec les doigts dans des boules de sticky rice et avec de la bière Kamu. Quand on tombe sur un bout de peau, c’est pour notre hôte. Il en raffole.
Déjà après l’entrée nous somme tous lêeo (bourré en lao), mais le repas est loin d’être terminé. On nous sert le laap accompagné de sticky rice, de légumes cuits et du bouillon de poisson en guise de soupe. Tout est disposé sur la table basse et on pige dans les assiettes comme bon nous semble. Le vase de bière Kamu se vide et se rempli à une vitesse effarante. Nous ne réussissons pas non plus à échapper aux traditionnels verres de Lao-Lao. Il n’est pas si tard, mais déjà on songe à nos lits. C’est la seule façon à laquelle on pense pour mettre fin à l’appétit infini de notre hôte pour les boissons de Bacchus.
M. Tom nous emmène à la fermette où nous passerons la nuit. Dans la petite cabane de bois, sa femme s’affaire déjà à installer des matelas avec des tentes en moustiquaire pour notre comfort. Elle est vraiment adorable. Bien que très solide, la maisonette sur pilotis semble tenir debout de peine et misère. La toilette cependant est très spacieuse. C’est en fait la forêt. On voit aussi le ciel par les espaces entre les planches qui forment les murs. Une nuit à la belle étoile ce sera très champêtre. Blagues à part, cela fera dûment l’affaire pour passer la nuit. On décline poliment une dernière tournée de Lao-Lao avant de fermer les lumières et de s’abandonner rapidement aux bras de Morphée.
Maison #3, pour garder les animaux
Une grande pièce, deux chambres séparées par un rideaux
Notre sommeil est intermittent. Il fallait bien s’y en attendre avec un poulailler comme voisin. On se lève quand même dépassé les sept heures. M. Tom est debout depuis belle lurette et nous prépare le petit-déjeuner. Nous mangerons un canard de sa ferme qu’il vient tout juste de tuer. Accroupi près d’un feu, il chauffe l’oiseau pour le plumer plus facilement. Il découpe ensuite le canard en petits morceaux qu’il cuit à la poêle. Il nous sert le tout avec les restants d’hier; laap, légumes… et bière Kamu.
M. tom plume et nettoie le canard avant de le faire cuire
Il est déjà temps de quitter notre cher ami et de partir vers de nouveaux horizons. Nous sautons dans un TukTuk puis dans un autobus en direction de Vang Vieng. Nous ne reverrons probablement jamais M. Tom, mais, comme lui-même le dirait si bien; « Tous les jours, toutes les nuits, nous jamais oublier M. Tom. »
Chantale, Jean-nick, M. Tom, chauffeur de TukTuk, Alex, Julie, Loon