Une minivan passe nous chercher tôt le matin pour nous emmener à l’arrêt d’autobus. Nous partirons vers la ville de Thakhek à quelques heures au sud. Cependant le temps semble être un concept assez flou chez les Laotiens. Alors nous partirons quand l’autobus daignera bien se pointer. Nous attendons depuis de longues minutes devant un dépanneur lorsque un autobus monstrueux se stationne devant nous. On peut lire « King of bus » sur les côtés du mastodonte. On se dit qu’on vivra enfin le summum du confort routier à bord de ce vaisseau, mais il n’en ai rien. L’intérieur commence à se faire vieux. La climatisation ne fonctionne plus et le bus est rempli de marchandise. Dans l’allée juste à côté de nous se trouvent deux gros compresseurs à soudure que les passagers enjambent pour atteindre leur siège. La route est longue.
Ça parait beaucoup mieux en photo… on ne sent pas la chaleur
Nous arrivons à Thakhek juste devant le Fountain Square. Il y a une grande fête qui s’y déroule. Chanteurs et danseurs s’échangent la scène devant des locaux amusés. Nous avons nos gros pack-sacs sur le dos. On doit trouver une place où les déposer. La petite ville qui longe le Mékong ne semble avoir que des hôtels de luxe à offrir et c’est évidemment hors de prix pour nous. On doit tourner en rond une bonne heure avant de trouver une guesthouse décente et à bon prix. On y laisse nos sacs et on retourne vite à la fête. Le Fountain Square est bondé de locaux. Il y a que nous de touriste. Nous aimons bien dénicher ce genre d’endroit.
Il y a des étales de nourriture tout autour du Square dont plusieurs vendent des trucs qu’on ne reconnaît pas. Nous décidons de manger ici, mais de la jouer safe. On trouve un stand qui fait des pizzas aux fruits de mer. Nous encourageons aussi un vendeur de thés glacés qui fait des prouesses de flair en servant ses breuvages. Pour dessert nous essayons une drôle de slush qui plait beaucoup aux locaux. C’est un mélange de glace concassée avec du sirop « rouge » et une poignée de jujubes gluants sur le dessus. C’est intéressant, mais c’est tellement sucré que ça tombe vite sur le cœur. Et la fête tire déjà à sa fin, couvre-feu oblige.
Le lendemain, nous visitons la ville calme à la recherche d’informations sur les locations de motos. Nous aimerions partir visiter les Karsts de Khammouane. Une ceinture de montagnes calcaires qui recèle de trésors naturels. Nos recherches nous emmène jusqu’au Traveller’s Lodge un peu à l’écart du centre-ville. C’est le rendez-vous des backpackers dans la ville. L’ambiance à l’air vraiment relaxe et les prix sont très bons. Nous décidons d’y réserver un scooter ainsi qu’une chambre pour la soirée de notre retour des Karsts. Nous retournons souper au Square en espérant pouvoir profiter du night market encore ce soir. Pas de chance, il n’y a pas de fête. En fait la place est presque déserte. Nous nous rabattons sur un petit restaurant familial. La bouffe est excellente et le service est horrible. C’est une constante dans ce pays.
Le long du Mékong à Thakhek
Vue de la Thailande depuis Takhek
Nous partons en fin de matinée pour le village de Kong Lor reconnu surtout pour sa gigantesque grotte du même nom. Nous passerons la nuit dans une guesthouse tout prêt pour aller visiter la cave tôt le lendemain.
Après une centaine de kilomètres de route en parfaite condition, nous sommes surprit par un immense nid de poule au tournant d’une large courbe. Nous ne pouvons l’éviter et le scooter en frappe durement le fond. Heureusement, nous réussissons à garder le contrôle du véhicule qui se met aussitôt à osciller sur la route. Le diagnostic est simple. C’est une crevaison.
Nous avons dépassé une station de service il y a cinq minutes de ça. Ça ne devrait pas faire trop loin à pousser. On commence alors à pousser la mobilette et à peine deux maisons plus loin un laotien vient à notre rencontre. Il prend le scooter et l’emmène sur son terrain. Sur son vieux cellulaire, il compose « 40 000 ». Le prix en kips pour effectuer la réparation (6$). Nous acceptons le marché sans trop de question. Nous ne sommes pas en posture pour négocier de toute façon. Nous nous posons sur son balcon alors qu’il s’affaire à démonter la roue. Sa femme nous offre de partager son repas avec elle. Nous passons un drôle de moment avec la famille à manger du sticky rice et à échanger des mots de nos langues respectives.
Lorsque le travail est terminé, le mécano teste la machine et fait les derniers ajustement à la roue. Nous sommes fin prêt à quitter le patelin de HouayHai après cette petite pause forcée. Le nid de poule n’était que le début d’une route en piteux état. Nous roulons la deuxième moitié du trajet avec grandes précautions pour éviter tout autre désagrément du genre
Nous arrivons à Kong Lor en fin d’après-midi. Nous dénichons une jolie guesthouse au coeur des champs de tabac. Avec le soleil qui commence sa descente derrière les montagnes au loin, la vue est magnifique. Nous partons faire un rapide tour du village qui ne fait que deux rues de toute façon. Nous revenons au bercail et nous installons parmi d’autres voyageurs au restaurant de la guesthouse. Nous passons la soirée à discuter avec deux québécois sympathiques nouvellement retraités. Ils arrivent du Cambodge et nous partagent leurs coups de coeur. Un français assis à une autre table nous offre une belle grosse assiette d’insectes frits; larves, criquets et sauterelles. Il serait impoli de refusé n’est ce pas? Nous picossons un peu dans l’assiette, mais sans trop de conviction. C’est salé et ça crounch comme des chips, mais c’est beaucoup plus laid.
Champs de tabac derrière notre Guesthouse
Dégustation de sauterelles, grillons, larves… Ça passe mieux avec la BeerLao
Le cadran sonne très tôt pour notre expédition. L’entrée de la Konglor Cave est à quelques kilomètres seulement de la guesthouse. La grotte fait huit kilomètres de long que l’on parcoure dans une pirogue à moteur dans une obscurité presque totale. C’est avec la lueur de nos lampes frontales que le conducteur navigue avec une précision surprenante à travers les rochers.
Nous arrêtons après quelques kilomètres dans la seule section éclairée de la grotte. Des LED de toutes les couleurs illuminent les formations rocheuses et créent une ambiance surréelle. On se croirait sur une autre planète ou dans un film de science-fiction. Les lumières permettent de voir l’immensité de la voûte. Nous sommes si petits. Le feeling est étrange et poignant en même temps.
Nous rembarquons dans le bateau et filons vers la sortie toujours en faisant du slalom dans la noirceur. La lueur du jour perce soudainement l’obscurité et nous laisse entrevoir une forêt luxuriante. Le panorama à l’extérieur est magique. On dirait un décor du Jurassic Park. Nous voguons lentement sur la rivière jusqu’à un pseudo village très touristique où l’on essaies de vous vendre des snacks plus cher qu’ailleurs. Après quelques minutes à attendre sur la rive, notre guide comprend qu’on n’achètera rien et nous repartons en sens inverse dans la grotte.
Nous reprenons la route vers Thakhek autour de midi et roulons les deux cents kilomètres sans problèmes. Il fait très chaud, mais le vent nous rafraîchit un brin. Nous soupons au restaurant du Traveller’s Lodge qui affiche complet ce soir. Un mec peu bohème joue de la guitare et chante des chansons de feu de camps. On prends ça bien relaxe en essayant des nouvelles variétés de Beerlao que nous cherchions depuis un bout. On se trouve un petit coin tranquille sur un balcon du deuxième étage où la douce brise du soir nous rafraîchit un peu avant d’aller au lit.
On entre par l’ouverture au pied de la montagne (photo de gauche) et on embarque dans un petit bateau bleu
Le lendemain nous partons pour Paksé. Ce sera notre point d’encrage pour visiter le Plateau des Bolavens et tous ses chutes. Nous marchons jusqu’à l’arrêt d’autobus et arrivons assez d’avance pour avoir les meilleurs sièges du véhicules. C’est un autobus local, donc pas réputé pour son incroyable confort, mais une rangée de bancs a été retirée laissant un grand espace libre pour ceux assis derrière. Le trajet durera cinq heures. Ça sera génial d’avoir tout cet espace à notre disposition. Le bus se rempli rapidement et l’opérateur commence à utiliser l’espace devant nous pour des bagages. On aurait dû voir ça venir. Malgré tout, nous sommes toujours très confortable au moment du départ.
Après quelques minutes de route seulement, l’autobus s’arrête dans une rue un peu perdue à côté d’un camion louche et des hommes (dont un avec une cagoule) commencent à remplir l’autobus avec des poches de ce qu’on espère grandement n’être que du riz. Ils chargent des poches et des poches dans tous les espaces disponibles de l’autobus. Y comprit l’allée centrale et ce qui restait de notre leg-room. En plus de rendre le reste du trajet inconfortable, cet arrêt nous met en retard sur notre itinéraire.
À peine quelques kilomètres plus loin, l’autobus arrête à nouveau. le chauffeur à faim. Il en profite aussi pour replacer la marchandise qu’il transporte sur le toit. Il semble faire de la place pour charger autre chose. Comme de fait, cinq minutes plus tard, nous arrêtons encore. Un pickup arrive et des hommes remplissent le toit de l’autobus avec des dizaines de poches de chillies. Nous embarquons aussi une vingtaine de locaux qui s’assoient dans l’allée sur les poches de riz. Plus tard, l’autobus s’immobilise encore. Cette fois, c’est dans un marché. Les locaux achètent des grillades qu’ils mangent dans l’autobus. Il n’y a plus de place, plus d’air et ça sent la bouffe. Un enfant essuie le jus de poulet de ses doigts sur les pantalons de Jean-Nick. On bouille d’impatience et le calme implacable des locaux rajoute de l’huile sur le feu.
Premier chargement de poches de riz
Au moins les enfants s’amusent
Nous en sommes déjà à 4 heures de retard lorsqu’un gros son se fait entendre sous l’autobus. Nous venons de perdre un morceau du moteur. C’était à prévoir non? Le véhicule s’immobilise pour la dernière fois. Nous sommes sur le bord de la route à la noirceur, désemparés. Même les locaux sont énervés. C’est comme un baume sur nos plaies.
Le chauffeur taponne sur le morceau tombé avec un paquet d’outils. On nous promet que le bus repartira d’ici vingt minutes. Quelques choses nous dit que ça n’arrivera pas et que même s’il repartait… Enfin bref. Un autobus VIP s’arrête derrière nous et voit l’opportunité pour une piastre facile. Il veut nous charger le gros prix pour l’heure de trajet restante.
On essaies d’avoir un retour d’argent de notre chauffeur, mais il ne fait que répéter sans cesse « twenty minutes, twenty minutes ». On n’aura pas une cenne. On le sait. Pendant ce temps l’autobus VIP a quitté la scène. Contre toute attente, une minivan qui passait par là s’arrête pour voir ce qui se passe. Nous essayons de négocier avec le chauffeur et au bout de quelques minutes, il accepte de nous emmener à Paksé gratuitement. Nous faisons le reste du trajet en une demi-heure seulement dans une mini fourgonnette super confortable. Ouf. Arrivés dans la ville, nous remercions notre bienfaiteur et lui offrons un peu d’argent quand même pour le dédommager. Il prend l’argent, mais la donne directement à son fils qui sourit tout grand. Un vrai bon Jack.
Sommes tout, on a eu plus de peur que de mal. On casse la croûte et on se couche. Demain est un autre jour comme on dit.
Notez que le chauffeur est rendu sous le bus…